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Pour les sciences sociales 101 livres

1960 Ariès retrouve le sentiment de l’enfance

lundi 30 mai 2022, par Guillaume Gros

Cyril Lemieux (sous la dir.), Pour les sciences sociales, 101 livres, Éditions EHESS, 2018, collection "En temps, lieux", 343 pages avec index.

Un ouvrage par an de 1947 à 2017 de penseurs majeurs

 C’est à l’occasion du 70e anniversaire de la création de la VIe section de l’École pratique des hautes études en 1947, section consacrée aux « sciences économiques et sociales », qui allait devenir en 1975, l’École des hautes études en sciences sociales, que les auteurs de cet ouvrage collectif ont eu l’idée de rassembler « 101 livres qui, année après année, depuis la Seconde Guerre mondiale, ont marqué la construction des sciences sociales en France et à travers le monde ».
 De la philosophe à l’anthropologie en passant par la sociologie, l’économie, la démographie, l’histoire, la géographie, défilent tous les grands auteurs mondiaux dont la pensée a marqué son époque bien au-delà de sa discipline. Claude-Levis Strauss, Jürgen Habermas, Hannah Arendt, John Kenneth Galbraith, Reinhart Koselleck, Roland Barthes figurent parmi plus de 100 auteurs retenus dans ce palmarès mondial des sciences humaines dont Philippe Ariès pour l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime.

1960, Ariès retrouve le sentiment de l’enfance

« Qui eût cru que, dans l’après-guerre où la gauche dominait les esprits et les écrits, le renouveau d’une large branche de l’historiographie française viendrait d’un homme qui se revendiquait, non sans humour, comme un « vrai réactionnaire », tenant de la « droite traditionnelle » ? Aux marges de la recherche universitaire, Philippe Ariès (1914-1984) se gorgea, il est vrai, des travaux des historiens qui allaient confluer dans la “nouvelle histoire” et finit par être accepté d’eux, au point de donner un chapitre entier au volume publié sous ce titre par Jacques Le Goff, Roger Chartier et Jacques Revel en 1978, et d’entrer la même année au Centre de recherches historiques de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Sa contribution portait sur « L’histoire des mentalités », et c’est sous cette étiquette, aujourd’hui un peu désuète, qu’il est encore connu et apprécié.
L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime se place dans ce pan des recherches qui, en France, se sont organisées autour de la famille, entendue comme berceau des renouveaux et déclins démographiques, cellule où se répercutent les aléas de la vie économique, mais aussi creuset de comportements individuels et collectifs. L’impulsion venue d’une nouvelle discipline alors en plein développement, la démographie historique, fut pour beaucoup dans les choix qui guidèrent l’enquête d’Ariès. Mais il a livré une interprétation très personnelle des mutations qui ont affecté les populations anciennes, cherchant à mettre en lumière les structures inconscientes qui dictent aux individus leurs comportements.
Il avait déjà écumé des registres paroissiaux, avec un intérêt tout particulier pour la fécondité et ses contrôles ; le livre issu de cette plongée dans les archives parut en 1948, aux éditions Self, sous le titre Histoire des populations françaises et de leurs attitudes devant la vie depuis le XVIIIe siècle. Il insistait clairement sur son propos essentiel : les « incidences culturelles de la démographie ». Ce travail suscita l’intérêt des démographes de l’Institut national des études démographiques (INED) sans pourtant être diffusé dans les milieux universitaires.
[…].

La première édition de L’enfant et la vie familiale suscita, à l’en croire, l’intérêt des historiens, mais peu d’écho auprès d’un public plus large. Sa traduction en anglais (1962) lui a valu un lectorat plus large outre-Atlantique, où il a touché des sociologues et des psychologues. Et c’est avec la réédition du Seuil, en 1973, qu’il a débordé en France les cercles historiens (il s’en explique dans sa préface à cette nouvelle édition).
Les deux axes de sa démonstration portent sur les conditions de l’éducation des enfants qui, dans les sociétés traditionnelles, reposaient sur l’imitation des gestes des adultes : c’est par ces apprentissages que le jeune, très tôt plongé dans leur monde, se socialisait. Certes la famille depuis la fin du Moyen Âge se représentait la petite enfance comme un âge particulier, mais le flou des termes désignant les phases ultérieures de son développement disait bien l’incapacité à se représenter l’enfance comme un âge spécifique. Le second axe de l’enquête porte donc sur l’enfermement des enfants dans une famille qui, face à un État envahissant, s’est refermée sur elle-même et, en corollaire, a développé depuis le XVIIe siècle des institutions éducatives : le livre fait une large place à la « vie scolastique » (qui occupe la moitié du volume), cette mise des élèves hors du monde des adultes qui a entraîné le cloisonnement entre les âges et la dépendance des jeunes à l’égard de leur milieu familial, mais aussi un regard nouveau des adultes sur eux et le recentrement des affections familiales autour des enfants, phénomène qui pour Ariès ira se renforçant du XVIIIe au XXe siècle. [...] » (Extraits de l’article de Christiane Klapish-Zuber, p.74-76)

Un panthéon des sciences sociales : plus de 100 auteurs

Parmi les 100 auteurs retenus dans ce panthéon des sciences sociales, on peut citer :Theodor W. Adorno, Max Horkheimer, Jean-Paul Sartre, Fernand Braudel, Claude Levi-Strauss, Margaret Mead, Marcel Mauss, Hannah Arendt, Georges Canguilhem, Lucien Febvre, Edmund Leach, Erwin Panofsky, Georges Balandier, Charles Wright Mills, Richard Hoggart, Roland Barthes, Ernest Kantorowicz, John Kenneth Galbraith, Erving Goffman, Michel Foucault, John L. Austin, Jürgen Habermas, Thomas Kuhn, Edward P. Thompson, André Leroi-Gourhan, Jean-Pierre Vernant, Louis Althusser, Mary Douglas, Emile Benveniste, Peter Berger et Thomas Luckmann, Jacques Derrida, Harold Garfinkel, Georges Dumézil, Alain Touraine, Norbert Elias, Fredrik Barth, Albert Hirschman, Nathan Wachtel, William Labov, Marshall Sahlins, Georges Duby, Clifford Geertz, Immanuel Wallerstein, Claude Meillassoux, Carlo Ginzburg, Paul Veyne, Jeanne Favret-Saada, Jack Goody, François Furet, Edward Said, Reinhart Koselleck, Pierre Bourdieu, Michel de Certeau, Louis Marin, Françoise Héritier, Orlando Patterson, Howard Becker, Alain Corbin, Maurice Godelier, Ranajit Guha, Louis Dumont, Benedict Anderson, Bruno Latour, Paul Ricoeur, Ulrich Beck, Roger Chartier, Catherine Hall et Leonore Davidoff, Marilyn Strathern, Dona Haraway, Judith Butler, Denys Lombard, Richard White, Harrison White, Alain Desrosières, Eric J. Hobsbawm, Robert Castel, Jacques Le Goff, Nicole Loraux, Alfred Gell, Luc Boltanski et Eve Chiapello, Kenneth Pomeranz, Michel Callon et Lascoumes, Georges Didi-Huberman, Jean Assmann, Harold Berman, François Hartog, Alain Testart, Sanjay Subrahmanyam, Philippe Descola, Alain Dewerpe, Saul Friedländer, Randall Collins, James C. Scott, Patrick Kirch, David Graeber, Peter Brown,Thomas Piketty, Giorgio Agamben, Anna Tsing, Michel Aglietta,