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Marrou, De la connaissance historique (1954)

lundi 4 mai 2020, par Guillaume Gros

P. Ariès, « Henri-Irénée Marrou, De la connaissance historique », J’ai Lu, février-mars 1955. Texte repris dans P. Ariès, Pages retrouvées, Le Cerf, 2020.

 
 Passionné par les débats historiographiques de son temps, lui même auteur d’un ouvrage d’égo-histoire, Le Temps de l’histoire, qui est aussi une réflexion épistémologique sur la façon de faire de l’histoire, Philippe Ariès rend compte, dès sa parution, au Seuil, en 1954, de De la connaissance historique .
 Tout en rappelant comment Henri-Irénée Marrou (1904-1977) remet en cause l’objectivité historique incarnée par l’école historique française fin XIXe siècle, P. Ariès évoque dans ce compte rendu de lecture, l’apport du philosophe Raymond Aron (1905-1983) dont il cite souvent, l’Introduction à la philosophie de l’histoire. Essais sur les limites de l’objectivité historique (1938).

 Extraits du compte rendu

Le livre de Henri-Irénée Marrou est particulièrement important parce qu’il consacre la rupture des historiens les plus représentatifs avec les méthodes ou les philosophies antérieures, mais surtout, et c’est là sa principale originalité, parce qu’il limite les conséquences excessives qui risquaient d’entraîner certains historiens, et parmi les meilleurs, vers un relativisme excessif.
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Aux philosophies de l’histoire, il oppose « l’authentique et irritante multiplicité » du réel, l’impossibilité de faire tenir les données de l’histoire dans un système de lois, même moyennes, qui permettraient la prévision. Bien plus, il reconnaît à la connaissance historique une fonction libératrice : comme la psychanalyse délivre l’individu, elle délivre la société. En révélant à la conscience la nature essentiellement complexe des phénomènes collectifs, elle diminue leur pouvoir de contrainte.
 
Contre les principes d’objectivité et d’exhaustivité des historiens de métier, héritiers des conceptions positivistes, il reconnaît la justesse des critiques de Raymond Aron, de Lucien Febvre. Il admet que l’historien n’appréhende jamais le passé directement, mais à travers lui-même et son propre présent. Il reconnaît l’irréductible singularité des phénomènes saisis dans la durée. Toutefois, et c’est ici qu’il se sépare des historiens à tendance relativiste, il réagit contre les conséquences d’une pensée qui, en soulignant la différence des temps, risque d’anéantir l’idée de vérité historique. Son livre, utile et passionnant à bien des égards, devient alors d’une grande gravité : la tentative d’un humaniste qui veut sauver du naufrage moderniste et historiciste, la valeur antique et chrétienne d’universel. Il s’est donc proposé de restaurer la notion, aujourd’hui plutôt malmenée, de vérité historique, communicable à tous, acceptable par tous, sans cependant atténuer la spécificité de chaque époque, ce principe de la différence des temps, sans lequel il n’y a pas d’histoire, mais seulement de l’anachronisme.
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L’intégralité du compte rendu est à lire dans Philippe Ariès, Pages retrouvées, Cerf, 2020.