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Newsletter n° 4. Redécouvrir l’enfant et la famille, réceptions

mardi 29 octobre 2013, par Guillaume Gros

Site dédié à Philippe Ariès, Newsletter, n° 4, été-automne 2013.

Newsletter n° 4. « Redécouvrir l’enfant et la famille, réceptions »

Ce thème extrêmement riche alimentera d’autres lettres. Les thèses de l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime ont touché toutes les disciplines des sciences humaines au point que récemment encore, le philosophe Alain Renaut, dans un ouvrage intitulé La Libération des enfants, évoque à propos du livre de Philippe Ariès un « moment fondateur » et « l’écrit par lequel l’enfance est devenue matière à histoire » (Bayard/Calman-Lévy, 2002).

Le livre à l’origine d’un modèle interprétatif de l’enfance

Publié pour la première fois en 1960 aux éditions Plon dans la collection « Civilisations d’hier et d’aujourd’hui » que dirige P. Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime passe presque inaperçu en France. Traduit dès 1963 aux Etats Unis sous le titre Centuries of Childhood (Knopf), il connaît un succès rapide outre Atlantique. Au point d’être reconsidéré en France où le Seuil le réédite dans sa prestigieuse collection « L’univers historique » (1973).

Un document : la préface de 1960

Cette courte introduction à l’édition originale de l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, chez Plon, en 1960, n’a pas été reprise dans la réédition du livre, au Seuil, en 1973. Elle n’a donc jamais été rééditée. Elle constitue un document important pour comprendre le projet de Philippe Ariès, celui, écrit-il, dès le début de son introduction, d’un « historien démographe frappé par les caractères originaux de la famille moderne ». C’est-à-dire, avant que les relectures de son ouvrage à l’aune des perspectives nouvelles issues de 1968, n’en changent la direction.

Les suites de l’Enfant et la vie familiale par Philippe Ariès :

La richesse de l’ouvrage tient largement dans la façon dont Philippe Ariès en décline les thèmes dans le contexte des années soixante dix et quatre vingt. Parmi ces nombreuses lectures, nous avons retenu ces deux documents.

 « Quand l’enfant roi devient roi », entretien avec Pierre Desgraupes, Le Point.

Dans les années soixante-dix, Philippe Ariès est souvent consulté par la presse magazine comme un expert de la famille. Son regard d’historien permet d’apporter un éclairage sur les tensions qu’elle connaît après les remises en causes institutionnelles de mai 1968. Au cours de l’été 1975, l’hebdomadaire Le Point, publie deux entretiens de Philippe Ariès avec Pierre Desgraupes dont l’un s’intitule « Quand l’enfant devient roi ».
L’historien y rappelle, entre autres, à quel point, malgré l’émergence de l’adolescence, l’enfant reste tributaire de cette famille si contestée :

« Alors que l’enfant ignoré de l’Ancien régime était adulte à 12 ans, le prolongement incessant de la scolarisation rend l’enfant aujourd’hui plus dépendant que jamais, et surtout, plus longtemps, de la famille et de l’école. »

 L’histoire du jeu, révélateur des mentalités

Selon un processus longuement décrit dans L’Enfant et la vie familiale, l’historien montre comment l’affirmation du sentiment de l’enfance va de pair avec la mise en place d’un processus d’éducation plus contraignant dans le cadre notamment des collèges sous l’Ancien régime. Ce mouvement qui individualise l’enfant tend du coup à l’isoler de la communauté des adultes. Le jeu n’échappe pas à cette réglementation nouvelle. Alors que les jeux étaient l’occasion d’un mélange entre les enfants et les adultes, ils se spécialisent à l’époque moderne. C’est ce thème qu’évoque, Philippe Ariès, à l’occasion d’un colloque, à Tours, en 1980, dans une communication intitulée « Du sérieux au frivole ». Le jeu est révélateur d’un imaginaire qui relève de l’histoire des mentalités.

Réceptions de l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime :

 La revue Autrement et la question de l’enfance.

Les thèses de Philippe Ariès irriguent toute une littérature autour de la jeunesse à l’image de ce numéro de la revue Autrement, en 1979, dont le thème du dossier est intitulé « Les 10-13 ans, âge invisible.... »

 Une brève histoire de l’adolescence.

Tout récemment, dans Une brève histoire de l’adolescence, (2013, JC Béhar), David le Breton, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, propose une histoire de cette période incertaine de la vie, dans nos société, qu’est l’adolescence sur les traces de Philippe Ariès.

Varia et actualités.

 Une biographie de François Furet

Furet artisan de la candidature de P. Ariès à l’EHESS
Philippe Ariès, on le sait, n’a été adopté que tardivement par le milieu universitaire obtenant une direction d’études à l’EHESS à la toute fin de sa carrière professionnelle. Parmi les artisans de sa candidature, figure François Furet, alors directeur du 54 boulevard Raspail (1977-1985). Christophe Prochasson vient de lui consacre une riche biographie intitulée, Les Chemin de la mélancolie, ( 2013) dans laquelle il reproduit l’éloge funèbre de Philippe Ariès par Furet.

 La mort de Raoul Girardet, ami de jeunesse de Philippe Ariès

Raoul Girardet, historien du nationalisme, de l’idée coloniale et de l’imaginaire politique, s’est éteint le 23 septembre 2013. Il était un intime de Philippe Ariès depuis l’adolescence. Il appartenait à la bande de l’Étudiant français avec le philosophe Pierre Boutang, Philippe Brissaud et François Léger.

C’est Philippe Ariès qui publie le premier livre de Raoul Girardet sur la société militaire dans la toute jeune collection Civilisations d’hier et d’aujourd’hui dont il vient d’hériter et dans laquelle il publie lui-même son propre livre sur l’enfant et la vie familiale. Alors que Philippe Ariès est très malade en 1956, c’est R. Girardet qui assure la direction de la collection.

En dépit de perspectives historiographiques a priori différentes, leur vocation d’historien s’est affirmée au contact de la politique et l’histoire a sans doute aussi était un moyen, pour les deux hommes, de maintenir la politique à distance. Subtile ligne de crête qui n’a pas toujours résisté à l’irruption du conflit algérien qui, pour la première fois, fait tanguer leur amitié sur la question cruciale dans les milieux maurrassien du ralliement ou non à De Gaulle...

Mais les deux hommes s’étaient retrouvés.

Raoul Girardet qui dédie, Mythes et mythologies politiques, en 1986 (Seuil), à son ami, lui avait consacré un très bel hommage dans le défunt Quotidien de Paris qu’il convient de relire « Sur l’historien disparu. Philippe Ariès ou l’esprit de la Liberté ».

Guillaume GROS

Responsable du site dédié à Philippe Ariès,

Chercheur associé FRAMESPA, Toulouse 2,

Pour citer cette Newsletter : « G. Gros, Newsletter, 4, “Redécouvrir l’enfant et la famille, réceptions”, Site dédié à Philippe Ariès, http://philippe-aries.histoweb.net, été-automne 2013 ».