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François Furet, biographie, par C. Prochasson, Stock, 2013

Contient un hommage de F. Furet à P. Ariès (1984)

dimanche 12 mai 2013, par Guillaume Gros

Christophe Prochasson, Les Chemin de la mélancolie, François Furet, Stock, 2013, 558 p. (avec un index).

 François Furet (1927-1997) appartient à une catégorie d’historiens dont l’itinéraire intellectuel et l’œuvre sont indissociables d’un parcours politique.

Entre histoire et politique

Proche du Parti communiste de 1949 au milieu des années 50, puis lié à la fondation du Nouvel Observateur, en 1964, François Furet bouscule pourtant l’historiographie marxiste de la révolution française incarnée par Albert Soboul. Ses travaux sont publiés avec Denis Richet sous le titre La Révolution française (Hachette, 1965) avant de donner lieu à des recherches plus conceptuelles dans son fameux Penser la révolution française chez Gallimard, en 1978.

De Marx à Tocqueville, François Furet s’est affirmé comme un historien éclectique livrant à la fin de sa vie, un ouvrage testament, Le Passé d’une illusion, essai sur l’idée communiste au XXe siècle (Robert Laffont/Calmann-Lévy, 1985).
Historien, journaliste, François Furet fut aussi un homme d’influence et de pouvoir dirigeant notamment l’Institut Raymond Aron, la Fondation Saint-Simon et l’École des hautes études en sciences sociales.

Du côté de Chateaubriand, Tocqueville, Quinet, É. Halévy et Aron

Tout en s’efforçant de comprendre « les relations entre l’œuvre d’un historien et la politique de son temps », Christophe Prochasson - directeur d’études à l’EHESS où il a dirigé avec Vincent Duclert un séminaire sur ce thème - auteur de nombreux ouvrages sur la gauche et d’un essai sur l’histoire, L’Empire des émotions, fait émerger un esprit non conformiste :

« François Furet relève ainsi de cette famille d’esprits qui accueille bien d’autres intellectuels en délicatesse avec leur temps. Il voisine avec une cohorte de sensibilités où se distinguent quelques-uns de ses principaux interlocuteurs, Chateaubriand en tête. Derrière lui, une petite troupe de grands inquiets, à commencer par Tocqueville, commensal favori de Furet, mais aussi Quinet, puis, au siècle suivant, Élie Halévy ou Raymond Aron. »

Furet artisan de la candidature Ariès à l’EHESS

 Directeur de l’EHESS de (1977-1985), François Furet suggère à Philippe Ariès de s’y porter candidat. Il fut l’un des principaux artisans de la candidature de l’« historien du dimanche », au 54 boulevard Raspail. Si l’ouvrage de Christophe Prochasson ne traite pas dans sa dimension institutionnelle, la période de la présidence de François Furet à l’EHESS, il publie en annexes, la série de nécrologies d’universitaires disparus durant la présidence Furet : « Il revient par tradition au président de l’EHESS de prononcer de brefs éloges funèbres des collègues défunts devant l’Assemblée des enseignants. »
Parmi les éloges retenus dans les annexes, outre ceux de Georges Haupt, de Roland Barthes, Henri Hecaen, de Raymon Aron, de Pierre Coutin, d’André Varagnac, d’Ignace Meyerson et de Robert Mandrou, on trouve celui de Philippe Ariès (pages 538-539).

Eloge funèbre de Philippe Ariès, mars 1984

 Evoquant la « retraite toulousaine » de l’historien et la proximité de sa mort avec celle de son épouse alors que le couple venait d’achever l’album Images de l’homme devant la mort, François Furet rappelle que Philippe Ariès « présentait cette étrangeté d’avoir écrit une des œuvres historiques les plus importantes de l’après-guerre sans avoir jamais été de la profession ». Il s’agit notamment de l’Histoire des populations françaises (1948) et de l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime dont il attribue, par erreur, la publication à Robert Mandrou, alors que c’est Philippe Ariès qui l’édite lui-même dans la collection qu’il dirige chez Plon, en 1960.

 Le directeur de l’EHESS évoque notamment le contexte de la candidature de Philippe Ariès au 54 boulevard Raspail :

« Aujourd’hui, je conserve le regret que nous ayons perdu dix ou quinze ans avant de l’élire parmi nous. Mais je veux me souvenir surtout de ce jour de 1977 où je l’invitai à déjeuner pour lui demander d’être candidat à l’École, en lui disant que nous nous sentirions tous honorés de l’avoir enfin pour collègue. Sa joie faisait plaisir à voir. Vous lui avez fait une élection triomphale, parce que c’est lui qui nous honorait. »

 Furet évoque ensuite l’imbrication de l’itinéraire intellectuel et politique de Philippe Ariès avec l’œuvre de ce dernier à l’origine d’un « ensemble de questions historiques complètement neuf » :

« Tout seul, de son côté, il creusa cette idée simple, que la vie et la mort ne sont pas simplement des fatalités biologiques ou des effets de nombre, mais des interrogations que les générations apprivoisent par des pratiques et par des idées, bref par la culture. »