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Philippe Ariès dans la perspective du genre

samedi 29 novembre 2014, par Guillaume Gros

Nicole Edelman, "Philippe Ariès : le genre dans l’histoire de la famille et de la vie privée", p. 407-417.
Lire aussi sur ce thème notre Newsletter, 12, "Philippe Ariès dans la perspective du genre", rubrique actualité.

Sous les sciences sociales, le genre. Relectures critiques de Max Weber à Bruno Latour , sous la dir. de Danielle Chabaud-Rychter, Virginie Descoutures, Anne-Marie Devreux, Eleni Varikas, La Découverte, 2010.

Présentation de l’éditeur

« Les recherches sur le genre ont toujours été en dialogue constant avec les grands cadres théoriques, les courants de pensée et les “écoles” des sciences sociales. Partant de ces acquis, cet ouvrage se propose de relire l’œuvre de philosophes (T. W. Adorno, J. Habermas, M. Foucault), d’anthropologues (M. Godelier, C. Lévi-Strauss), de sociologues (M. Weber, E. Goffman, H. Becker, H. Garfinkel) et d’historiens (C. Ginzburg, P. Ariès, E. P. Thompson) dans la perspective du genre.
Quelle place les différences de sexe occupent-elles dans les travaux de Durkheim, Mauss, Marx ou Elias ? À partir de quels objets le genre apparaît-il dans le cheminement intellectuel d’auteurs aussi divers que P. Bourdieu, L. Boltanski, B. Latour ou A. Touraine ? Quels sont les impensés et les présupposés sexués des concepts et catégories d’analyse de ces auteurs ? Et, inversement, comment ces concepts peuvent-ils nous aider à penser les hiérarchies et les inégalités de sexe, la constitution des identités et les enjeux de la sexualité dans nos sociétés ? »

Extraits de l’article : conclusion [p. 415-416]

« Si la posture et le travail d’historien de P. Ariès sont donc difficiles à qualifier ou à classer dans l’historiographie traditionnelle, c’est en particulier parce que sa réflexion critique et son questionnement historiographique n’ont jamais cessé d’évoluer comme le prouve la teneur de ses écrits. Longtemps hors de l’institution universitaire, ses libres incursions dans une histoire longue de la famille, de la vie et de la mort mettent au jour des “mentalités”, des manières de penser d’un être humain largement encore asexué. Lorsqu’à la fin de sa vie, en 1982, il rédige la préface de l’ouvrage de Mireille Laget, Naissances. L’accouchement avant l’âge de la clinique, il déclare que ce livre “marque une nouvelle conquête de l’histoire. Ou plutôt remplit-il l’une de ses surfaces que les historiens avaient laissée en blanc sur la carte des terres inconnues promises à leurs nouvelles explorations” [Laget, 1982, p. 7]. Cette étude est pour lui novatrice parce qu’elle repère ce qu’il y a de culturel, de changeant – d’historique donc – dans les données démographiques et biologiques. Il est cependant difficile de savoir la manière dont P. Ariès a été lu par les historien (ne) s et par les sociologues du genre et en quoi il a pu être un passeur les menant sur ces nouveaux territoires de réflexion. Notons cependant que Michelle Perrot l’utilisait abondamment dans ses cours d’histoire des femmes. Et il est également cité, par exemple, par Yvonne Knibiehler et Catherine Fouquet pour son travail sur l’enfant dans L’Histoire des mères du Moyen Age à nos jours [1980] ou dans un registre bien différent par Nicole-Claude Mathieu toujours à propos de l’enfant dans L’Anatomie politique en 1991.
A travers l’ensemble de ses nouveaux champs d’étude, P. Ariès a découvert et mis en lumière sans conteste des questions, des espaces et des objets d’histoire que seront ceux de l’histoire des femmes et du genre même s’il n’a pas perçu le poids des rapports de pouvoirs entre hommes et femmes et l’importance du genre en tant qu’organisation sociale de la différence de sexe tant il est, je crois, impossible de penser en dehors des catégories de son temps. »

L’auteur

Nicole Edelman est maîtresse de conférences en histoire contemporaine, habilitée à diriger des recherches, université de Paris-Ouest-Nanterre.