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Newsletter, n° 7, Philippe Ariès et l’EHESS (1978-1982)

lundi 25 janvier 2016, par Guillaume Gros

Site dédié à Philippe Ariès, Newsletter, n° 7, hiver-printemps 2016.

« Philippe Ariès et l’EHESS (1978-1982) »

 En 2015, l’École des hautes études en sciences sociales, a commémoré ses quarante ans d’existence. Outre de nombreuses manifestations, elle a pour l’occasion rassemblé et mis en ligne des comptes rendus signés par les chercheurs de l’Ecole visant à retracer 40 ans de sciences sociales : "40 ans, 40 livres", disponibles sur le site de l’EHESS. Philippe Ariès participa également, entre 1978 et 1982, à l’aventure intellectuelle de cette école originale ouverte au dialogue entre les sciences sociales.

François Furet sollicite la candidature


 A la fin des années soixante-dix, François Furet devient directeur de l’EHESS (1977-1985) et propose la candidature de Philippe Ariès qui a effectué la majeure partie de sa carrière professionnelle au CIRAD en tant que responsable d’un service de documentation.
François Furet est alors convaincu que Philippe Ariès est, selon ses propres termes, l’auteur d’ « une des œuvres historiques les plus importantes de l’après-guerre sans avoir jamais été de la profession ». En 1984, dans un hommage rendu à l’Historien du dimanche qui vient de disparaître, François Furet écrit notamment :

« Aujourd’hui, je conserve le regret que nous ayons perdu dix ou quinze ans avant de l’élire parmi nous. Mais je veux me souvenir surtout de ce jour de 1977 où je l’invitai à déjeuner pour lui demander d’être candidat à l’École, en lui disant que nous nous sentirions tous honorés de l’avoir enfin pour collègue. »

Tardivement récupéré par l’EHESS selon Pierre Nora

Directeur d’études à l’EHESS, c’est Pierre Nora qui connaît Philippe Ariès depuis le début des années 70, qui est alors chargé de rédiger le rapport sur la candidature de l’historien à un poste de directeur d’études (1978), au 54 boulevard Raspail. Dans un article bilan sur "l’ego-histoire", en 1991, il revient sur "cet historien longtemps resté marginal au courant universitaire et dominant de l’histoire Annales" : "Tardivement récupéré en ces années-là par l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Michel Winock, qui fait aux éditions du Seuil à peu près la même chose que moi chez Gallimard, avait eu la bonne idée d’aller lui proposer un livre d’entretiens sur son itinéraire, sa sensibilité au temps, présent et passé, son rapport à l’histoire. J’insiste sur ce dernier point car il est capital pour comprendre l’ego-histoire."

Pierre Vidal-Naquet électeur de Philippe Ariès à l’EHESS

Philippe Ariès et Pierre Vidal-Naquet se connaissent depuis le début des années soixante et le spécialiste de la Grèce ancienne est un admirateur de l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. Si les deux historiens ont connu des trajectoires politiques très différentes, ils partagent le goût de l’histoire comme le rappelle Pierre Vidal-Naquet dans ses mémoires, en 1998 :

"On peut avoir des valeurs très différentes des miennes et être un excellent historien. C’est le cas, par exemple, d’hommes comme Pierre Chaunu et Emmanuel Le Roy Ladurie parmi les vivants, et, parmi les morts, de Philippe Ariès dont je fus un des électeurs à l’EHESS et dont la nécrologie fut rédigée, dans Le Monde, par l’historien communiste Michel Vovelle. »

Son programme d’enseignement et ses publications

Philippe Ariès, est élu, directeur d’études à l’Ehess (1978-1982) dans la foulée de la publication de l’Homme devant la mort, au Seuil, dans la collection "l’Univers historique" alors dirigée par Michel Winock et Jacques Julliard. Il oriente alors son programme d’enseignement autour du thème général « Les attitudes devant la vie et la mort » selon les trois axes suivants : 1) les attitudes devant la mort, 2) Les rapports de la ville et de la famille, 3) Famille et sexualité : problèmes récents. Dans le prolongement de ces thématiques, la période EHESS, est extrêmement fertile sur le plan intellectuel pour P. Ariès comme le montre la bibliographie de ses différentes contributions pour les seules années 1978-1979.

Sexualités occidentales : prolongement des différents séminaires de l’historien

 Cette publication, d’abord parue, dans la revue Communication, sur une idée d’André Béjin, est issue, pour l’essentiel, du séminaire de Philippe Ariès à l’École des hautes études en sciences sociales (1979-1980).
Correspondant au 3ème axe du programme de Philippe Ariès, Sexualités occidentales rassemble les contributions des participants du séminaire autour des thèmes de l’indissolubilité du mariage, de l’homosexualité, de l’autoérotisme. Dans un court texte de présentation André Béjin et Philippe Ariès dégagent les enjeux des différentes interventions : « 1.La complexité des origines du modèle occidental du mariage. 2. L’importance de la distinction entre l’amour dans le mariage et l’amour hors du mariage. 3. La place de l’autoérotisme, dans les doctrines d’abord, et dans les mœurs ensuite. 4. L’importance actuelle de l’homosexualité, en particulier quant à l’image qu’elle diffuse de la masculinité. »

Réflexions sur l’histoire de l’homosexualité

Cette contribution est issue de la troisième thématique du programme d’enseignement d’Ariès à l’Ehess, "3) Famille et sexualité : problèmes récents. " Elle s’inspire plus particulièrement de l’article du sociologue et historien Michael Pollak (1948-1992), « L’homosexualité masculine, ou le bonheur dans le ghetto ? » également publiée dans ce même numéro de Sexualités occidentales.

L’enfant et la rue : de la ville à l’antiville

Cette contribution de Philippe Ariès s’inscrit dans le deuxième axe de son programme d’enseignement de l’EHESS, "Les rapports de la ville et de la famille".
Publiée, en 1979, sous le titre « L’enfant et la vie urbaine ». (Congrès international, Montréal, Conseil du Québec de l’enfance exceptionnelle), elle illustre la richesse d’une pensée qui adapte la réflexion de l’Enfant et la vie sous l’Ancien régime dans le contexte de la modernité :
"Dans le passé, l’enfant appartenait tout naturellement à l’espace urbain, avec ou sans ses parents. Dans un monde de petits métiers, et de petites aventures, il était une figure familière de la rue. Pas de rue sans enfants de tous âges et de toutes conditions. Ensuite, un long mouvement de privatisation l’a retiré peu à peu de l’espace urbain, qui cessait dès lors d’être un espace de vie épaisse, où le privé et le public ne se distinguaient pas, pour devenir un lieu de passage, réglé par les logiques transparentes de la circulation et de la sécurité. Certes, l’enfant n’a pas été le seul exclu de cette grande œuvre de mise en ordre, de mise au pas : tout un monde bigarré a disparu avec lui dans la rue. Mais sa solidarité de fait avec ce monde-là est significative. Le fait important est donc double : d’abord nettoyer la rue d’un petit peuple indocile, qui avait été longtemps accepté, de plus ou moins bon gré, mais sans la volonté de l’en ôter, et qui est plus tard devenu suspect, inquiétant et condamné"

Philippe Meyer, "L’enfant et la raison d’état" (1977)

Les thèmes de la privatisation de la vie, des rapports de la ville et de la famille qui occupent Philippe Ariès à l’EHESS sont notamment repris par le sociologue Philippe Meyer dans son livre L’Enfant et la raison d’Etat . Aujourd’hui, journaliste à "France-Inter" et à "France-Culture", auteur de très nombreux ouvrages sur Paris, Philippe Meyer s’est d’abord illustré par ses travaux de sociologue.

« La famille, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est le résultat, sans doute provisoire, de trois siècles de mise au pas de la société par l’État.
L’action des pouvoirs publics se traduit dès le dix-septième siècle par l’élimination de toutes les formes de vie qui ne s’organisent pas autour du modèle familial. En utilisant les enfants, tantôt comme prétextes, tantôt comme otages, les œuvres philanthropiques, puis les services sociaux mènent une guerre ininterrompue aux familles irrégulières." (extrait 4e couv)

Guillaume GROS

Responsable du site dédié à Philippe Ariès,

Chercheur FRAMESPA, Toulouse 2,

Pour citer cette Newsletter : « G. Gros, Newsletter, 7, “Philippe Ariès et l’Ehess”, Site dédié à Philippe Ariès, http://philippe-aries.histoweb.net, hiver-printemps 2016 ».

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