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Newsletter, n° 2, Des sensibilités à la Vie privée, printemps-été 2012

mardi 5 juin 2012, par Guillaume Gros

 Newsletter, n° 2, printemps-été 2012

« Des sensibilités à la Vie privée »

Dans un compte rendu de lecture des Annales de 1941, souvent cité, Lucien Febvre invite les historiens à défricher de nouveaux territoires, autour notamment d’une histoire des sensibilités, un « sujet neuf » : « Je ne sais pas de livre où il soit traité. Je ne vois même pas que les multiples problèmes qu’il engage se trouvent formulés nulle part. » [Repris dans Combats pour l’histoire, 1953]

Le sommaire et un aperçu des 5 vol. de l’Histoire de la vie privée

 Près d’un demi siècle plus tard, Michelle Perrot, en conclusion de son introduction au quatrième volume de l’Histoire de la vie privée, dont elle souligne qu’elle nécessite des approches particulières, écrit : « Demeure l’irréductible opacité de l’objet, dès lors que l’on souhaiterait dépasser une histoire sociale du privé et faire, au-delà des groupes et des familles, une histoire des individus, de leurs représentations et de leurs émotions : […] »

 Afin de mesurer le chemin parcouru depuis l’exhortation de Lucien Febvre jusqu’au projet éditorial de l’Histoire de la vie privée en cinq volumes (1985-1987) co-dirigé par Georges Duby et Philippe Ariès, l’itinéraire et l’œuvre de ce dernier constituent un prisme de premier choix.

L’introduction de P. Ariès au tome 3 de l’Histoire de la vie privée

 Dans ce qui tient lieu d’introduction au tome 3, "De la renaissance aux Lumières", et intitulé « Pour une histoire de la vie privée », texte méthodologique prononcé lors d’un séminaire organisé sur le sujet à Berlin, en 1983, Philippe Ariès rappelle à quel point il est habité par ce thème, «  une problématique qui m’est bien personnelle, que j’avais développée de manière plus radicale encore dans des notes antérieures ».

Un thème ancien : "Le Retour à la vie privée" (1963)

 En réalité, la problématique est présente dès l’Histoire des populations françaises en 1948, puis reprise dans le premier chapitre du Temps de l’histoire et naturellement, elle irrigue L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime et l’Histoire de la mort. Ce thème est si prégnant qu’il y consacre même un article, à part entière, « Le Retour à la vie privée » dans l’hebdomadaire politique, la Nation française auquel il collabore entre 1955 et 1966. Le rapport à la politique et à l’histoire, ici l’épilogue de la guerre d’Algérie, est analysé, comme un fait de mentalité, un processus long que l’historien nomme « l’individualisation de la vie privée ».

Un portrait de Georges Duby, l’auteur de Guillaume le Maréchal

 Si Philippe Ariès et Georges Duby n’entrent en contact qu’à la fin des années soixante-dix les points communs entre eux ne manquent pas : la passion de la géographie, l’attrait pour les images et les formes et le goût de l’écriture. Tous les deux ont incarné, avec des approches différentes, cette histoire des mentalités si populaire dans les années soixante dix comme l’évoque le portrait que nous proposons du célèbre médiéviste Georges Duby : une histoire rajeunie, à partir de son autobiographie intellectuelle, l’Histoire continue (Odile Jacob, 1991).

L’hommage posthume de Duby à "l’historien généreux"

 Alors que G. Duby évoque peu Philippe Ariès dans l’Histoire continue, il lui rend un bel hommage dans la préface générale à l’Histoire de la vie privée, « cet historien généreux qui conduisit en gentilhomme, librement, dans le primesaut de ses intuitions pénétrantes, les recherches dont on sait la fécondité et la hardiesse, s’aventurant le premier, en éclaireur, dans des secteurs de l’histoire moderne apparemment impénétrables ».

Les traductions de l’Histoire de la vie privée

 Constituant, comme l’écrit Philippe Poirrier, « l’un des fronts pionniers de la recherche historique » (Les Enjeux de l’histoire culturelle, 2004), cette histoire des sensibilités est foisonnante à l’image, entre autres, des nombreuses traductions de la vie privée.

Parmi les nombreuses traductions de l’Histoire de la Vie Privée, on peut citer celle en italien, La vita privata, (Bari, Editori Laterza, 1987), celle en anglais, A History of private life, (Cambridge, Mass., et Londres, The Belknap Press of Harvard University Press, 1989), celle en espagnole, Historia de la vida privada, (Madrid, Taurus, 1989), celle en néerlandais, Geschiedenis van het persoonlijk leven, (Amsterdam, Agon, 1989), celle en portugais, História da vida privada, (Lisbonne, Ediçoes Afrontamento, 1990), celle en brésilien, História de la Vida Privada, (Sao Paulo, Companhia das Letras, 1991 et 1997), celle en allemand, Geschichte des privaten Lebens, (Francfort-sur-le-Main, S. Fischer, 1991), celle en polonais, Historia zycia prywatnego, (Wroclaw, Zaklad Narodowy im. Ossolinskich-Wydawnictwo, 1999, 2006), celle en coréen (Séoul, Saemulgyul Publishing House, 2002), en chinois (Ha’erbin Shi : Bei fang wen yi chu ban she, 2007-2008), en turc, Ozel hayatin tarihi, (Istanbul : Yapı Kredi Yayınları, 2006).

Parmi les derniers articles mis en ligne sur le site :

Une recension du livre dirigé par Emmanuel Laurentin, A quoi sert l’histoire aujourd’hui (Bayard).

La prochaine Newsletter autour de l’automne 2012.


Pour citer cette Newsletter : "G. Gros, Newsletter, 2, Site dédié à Philippe Ariès, http://philippe-aries.histoweb.net, printemps-été 2012".