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Essais sur l’histoire de la mort en Occident (1975)

samedi 6 mars 2010, par Guillaume Gros

Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen à nos jours, Seuil, 1975. Rééd. "Points histoire", 1977.

 Avant d’être un livre français, les Essais sur l’histoire de la mort en Occident sont d’abord un ouvrage américain publié, en 1974, sous le titre Western Attitudes toward Death : From the Middel Ages to the Present (111 p) à Baltimore, aux éditions Johns Hopkins University Press. Reconnu aux Etats-Unis pour l’Enfant et la vie familiale, Philippe Ariès avait été contacté par l’historien Orest Ranum - professeur dans cette université - qui lui avait demandé une intervention, non pas sur l’enfant, mais sur « histoire et conscience nationale » dans le prolongement des réflexions du Temps de l’Histoire. Philippe Ariès accepta l’invitation mais préféra traiter le sujet qui lui tenait alors à cœur depuis plus de quinze ans sur les attitude devant la mort dans nos cultures chrétiennes occidentales d’autant que, comme le rappelle Orest Ranum dans sa préface, l’historien était convaincu « that it was indeed the cutlure of the united states which has played the primordial role in changing Western Attitudes toward death in the twenthieth centurie (…) » [1]. L’ouvrage publié chez un éditeur universitaire suscita une énorme presse bien au-delà des revues spécialisées et fut réédité en 1975 et 1976.

 Les quatre conférences de Philippe Ariès, préparées pendant plus d’un an, traduites par Patricia Ranum, étaient donc d’abord destinées au public américain. Elles permirent à l’historien de mettre en forme des recherches dispersées dans plusieurs articles. Ces conférences constituent la première partie d’Essais sur l’histoire de la mort en occident.

Première partie : « Les attitudes devant la mort ».

Dans la « Mort apprivoisée », l’historien montre comment une certaine vulgate de la mort a été adoptée par la civilisation occidentale, que l’on peut résumer par une attitude de « résignation familière au destin collectif de l’espèce ». Cette situation est altérée par un état d’esprit qui émerge à la fin du Moyen Age et qui tend à donner un sens dramatique et personnel autrement dit « la mort de soi », décrite dans la 2e conférence et qui s’épanouit à l’époque moderne. Mais à partir du 18e siècle, plus que de sa propre mort, l’homme s’intéresse à « la mort de l’autre » dont le regret et le souvenir sont à l’origine du culte nouveau des tombeaux et des cimetières [« La mort de toi », 3e cf.]. Plus récemment, au cours du 20e siècle, avec la médicalisation de la mort, l’historien observe un changement plus profond : « La mort, si présente autrefois, tant elle était familière, va s’effacer et disparaître. Elle devient honteuse et objet d’interdit. » Comme si techniquement, notre civilisation n’acceptait plus l’idée de la mort. [« La mort interdite », 4e Cf.]

Deuxième partie, "Itinéraires 1966-1975"

Dans cette partie, Philippe Ariès a rajouté des articles qui permettent de comprendre le cheminement de sa curiosité d’historien et de ses recherches sur les attitudes devant la mort depuis 1966 :

1. Richesse et pauvreté devant la mort au Moyen Age, 1974

2. Huizinga et les thèmes macabres, 1973

3. Le thème de la mort dans le « Chemin de Paradis » de Maurras, 1974.

4. Les miracles des morts, 1974

5. Du sentiment moderne de la famille dans les testaments et les tombeaux, 1969

6. Contribution à l’étude du culte des morts à l’époque contemporaine, 1966

7. La vie et la mort chez les Français d’aujourd’hui, 1972

8. La mort inversée. Le changement des attitudes devant la mort dans les sociétés occidentales, 1967.

9. Le malade, la famille et le médecin, 1975

10. « Time fort Dying », 1969

11. “The Dying Patient”, 1973

12. “Inconscient collectif et idées claires”, 1975,

 Cet itinéraire, qui n’est pas chronologique mais thématique, reprend un article capital sur le sujet qui est, à l’origine, une conférence prononcée à l’Académie des Sciences morales et politiques où Philippe Ariès comptait quelques solides amitiés : « Contribution à l’étude du culte des morts à l’époque contemporaine » [2]. Elle constituait un nouveau départ après les premières pistes évoquées dans l’Histoire des populations françaises et de leurs attitudes devant la vie [3] et un article passionnant publié dans la revue La Table Ronde intitulé « La religion de la mort », [4] sur l’ouvrage d’Alberto Tenanti, La Vie et la mort à travers l’art du XVe siècle (Armand Colin).

 A l’instar du succès américain, Essais sur l’histoire de la mort en Occident, fut un véritable succès de librairie ouvrant à son auteur les portes de l’émission littéraire « Apostrophes » de Bernard Pivot : « (…) le sujet que j’avais abordé, il y a une quinzaine d’années, dans l’indifférence générale, agite désormais l’opinion, envahit livres et périodiques, émissions de radio ou de télévision ». Tel est le constat dressé par Philippe Ariès dans sa très belle préface intitulée « Histoire d’un livre qui n’en finit pas » (mars 1975). En effet, le Seuil lui commanda, dans la foulée l’Homme devant la mort.

La mort dans Pages retrouvées (Cerf, 2020)

Pour prolonger cette réflexion passionnante sur la mort, retrouver dans Pages retrouvées, recueil d’articles inédits de Philippe Ariès, les contributions suivantes :
 La religion de la mort
 La liturgie ancienne des funérailles


[1Préface à l’édition américaine, septembre 1973

[2Revue des Travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 119-4, 1966, pp. 25-40

[3Cf. la partie intitulée « Les techniques de la mort », pp. 522-546, édition Self

[4La Table Ronde, mai 1953, pp. 149-154